Les citoyens tous ensemble doivent construire leur destin dans la Nation
Le mois d’octobre aura été marqué en France par deux drames : l’assassinat d’un collègue, Samuel Paty, qui enseignait à Conflans-Sainte-Honorine, et celui de coreligionnaires, tués dans la basilique Notre-Dame de Nice. Deux attentats islamistes clairement dénoncés par les musulmans de France… ce qui n’a pas freiné pour autant les accusations lancées contre eux de « silence complice ».
Ce blog – longtemps mis en sommeil pour raisons de santé – ressort aujourd’hui de son silence pour compiler une partie des réactions reçues depuis plusieurs semaines dans ma boîte mail. Réactions d’organismes musulmans, en premier lieu, mais aussi bien sûr réactions de groupes interreligieux. Un long article qui emprunte son titre au premier texte présenté ici, déclaration sans ambigüité des fédérations musulmanes et mosquées de France.
Il y a des moments où les citoyens tous ensemble doivent construire leur destin dans la Nation qu’ils ont choisie ou qui les a vu naitre et grandir.
Il y a des moments où nous devons être solidaires avec notre pays qui subit, depuis quelques semaines, des attaques injustifiées. Cette situation renvoie chaque citoyen à sa conscience et à ses responsabilités.
Oui, ce contexte nous oblige ! Et il nous engage, à assumer nos responsabilités, d’autant plus que la Constitution de notre pays consacre des principes intangibles énoncés dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen.
En préambule, nous tenons à rappeler que le droit français accorde une très large place à la liberté d’expression et édicte les principes de croire ou de ne pas croire. Des valeurs auxquelles nous sommes profondément attachés, car elles permettent, à chacun d’entre nous, dans le respect du cadre légal, d’exprimer librement ses convictions religieuses et/ou philosophiques. C’est grâce à ce fondement essentiel de la République que nous pouvons, en tant que citoyens de confession musulmane, exercer notre culte.
En France, dans la limite de la seule loi, le citoyen est libre, le croyant est libre, la société civile est libre et la presse l’est tout autant. Les divergences et les conflits, lorsqu’ils viennent à surgir dans un espace démocratique, ne peuvent être arbitrés ailleurs que devant les tribunaux.
Ce préambule étant précisé, en tant que Français de confession musulmane, et sans interférer dans les polémiques politiques ou diplomatiques, nous tenons à rappeler de manière ferme et claire ce qui suit :
– Notre condamnation du terrorisme et de toute forme de violence qui s’exprime au nom de notre religion. Et nous exprimons à toutes les victimes du terrorisme islamiste notre soutien inconditionnel et notre vive sympathie.
– Notre condamnation des appels injustifiés au boycott des produits français. Les médias en France étant libres, aucun responsable politique, y compris le Président de la République, ne peut imposer à un organe de presse une publication ou une non-publication d’un dessin ou d’une caricature. La séparation des pouvoirs est consubstantielle à notre cadre démocratique. Aussi, nous considérons que ces appels sont infondés et reposent sur des manipulations politiques cachant d‘autres objectifs que la « défense de l’islam ».
– Notre condamnation des appels au meurtre lancés par des responsables étrangers. La laïcité est une valeur essentielle qui permet aux différentes religions, dont l’islam, de s’épanouir en France. Nous dénonçons tous ceux qui veulent manipuler nos coreligionnaires, surtout notre jeunesse, et l’opinion publique internationale, en laissant croire que nous subirions en France une politique de « racisme d’État » ou une politique de « haine contre les musulmans ». Ce sont là des mensonges éhontés que nous dénonçons et nous exigeons de leurs auteurs des excuses publiques tant ils tentent de nous diviser, d’introduire le doute et de semer la discorde.
Nous appelons donc à un retour au calme et nous encourageons notre jeunesse à ne pas se laisser entraîner vers des chemins sinueux qui n’ont d’autres issues sinon la destruction et l’autodestruction.
Les musulmans de France sont horrifiés par ce crime abject, un nouvel affront à leur foi et à leur religion. Quoi de plus affligeant, de plus révoltant et de plus offensant que de voir notre propre religion dévoyée et instrumentalisée pour tuer nos propres concitoyens.
Les mesures et moyens de protection déployés face à cette « pandémie » ne suffisent malheureusement pas à nous préserver complètement. Nous devons combattre avec toutes nos forces cet ennemi, incarnation de la haine, de la barbarie, de la terreur et de la lâcheté que nous condamnons avec la plus grande vigueur.
Nous connaissons l’ennemi, c’est un totalitarisme qui se cache derrière un vocabulaire musulman. Ces terroristes sont des assassins qui n’ont de religieux que les slogans et dont les actes incarnent la trahison de tout ce qui est sacré, dont la vie humaine.
Les promoteurs de cette idéologie mortifère ont réussi à créer un modèle particulièrement séduisant en manipulant d’une manière perverse des codes et des ressorts de communication ciblant les jeunes. Un modèle qui a su ériger la lâcheté dans ses pires manifestations en actes de bravoure héroïque. Ces promoteurs créent chez leurs adeptes l’illusion d’être élus pour accomplir une prétendue mission divine à laquelle l’immense majorité des musulmans aurait renoncé par faiblesse ou par traîtrise, leur dit-on.
Cet ennemi, nous le vaincrons ensemble avec nos forces : en restant fidèles au pacte républicain et aux valeurs universelles portées par notre République laïque, indivisible, démocratique et sociale ; en restant fidèles aux valeurs de nos fois respectives qui invitent à la paix et à l’amour de son prochain.
Dans ce combat, nous pouvons compter sur nos militaires, sur nos policiers, sur nos gendarmes, et sur toutes nos forces d’intervention qui engagent leurs vies pour préserver la nôtre.
Nous pouvons compter sur le Parlement pour adopter toutes les mesures nécessaires afin de mettre hors d’état de nuire les terroristes, dans un esprit de concorde nationale.
Nous pouvons compter sur le sursaut des familles et du personnel de l’Education nationale pour s’investir davantage dans leur mission d’éducation et de transmission des valeurs à même de préserver nos enfants contre les propagandes des prêcheurs de la haine.
Nous pouvons compter sur nos institutions religieuses pour permettre à chaque citoyen de concilier son cheminement spirituel à son engagement citoyen dans la paix et la sérénité loin de tout extrémisme.
Nous pouvons compter sur nos rabbins, nos prêtres, nos pasteurs, nos imams sans oublier les guides des autres confessions de France, pour s’engager et engager tous les fidèles dans un dialogue qui est aujourd’hui plus que jamais une nécessité pour notre cohésion nationale. Nos fois respectives et la fraternité républicaine nous y invitent. Le principe de laïcité garant du respect de la diversité de nos convictions nous le rappelle à chaque instant.
Nous pouvons compter sur nos femmes et nos hommes politiques pour engager tous les Français dans un récit national inclusif en mettant l’intérêt général devant tout autre intérêt.
Nous pouvons compter sur nos intellectuels et nos artistes pour faire de la France un grand pays, fier de son histoire, de sa culture, de son rayonnement et de son idéal universel.
Nous pouvons compter sur nos médias pour faire ressortir le meilleur de notre pays et de le faire prospérer.
Nous pouvons compter sur toutes nos institutions et nos associations engagées dans la lutte contre toutes les formes de racisme et de discrimination afin de renforcer notre unité nationale et éviter la division.
Ce combat contre le terrorisme, l’obscurantisme et la haine, nous devons le mener jusqu’au bout et nous le gagnerons en étant fidèles à notre pacte républicain. Notre force immunitaire est notre volonté farouche d’être ensemble. Cette volonté nous donne la confiance dans notre destin collectif et les moyens de résister aux assauts de la pandémie terroriste.
Les chrétiens et les musulmans du Groupe d’Amitié Islamo-Chrétien (GAIC) expriment leur commune sidération, indignation et condamnation d’un tel meurtre, que rien ne peut excuser.
Des mosquées, des associations et des groupes interreligieux ont aussitôt publié des communiqués sur les réseaux sociaux. Mais nous constatons qu’ils demeurent trop peu relayés dans les grands médias nationaux. Pourtant, leur cri du cœur appelant à faire corps avec la nation doit être entendu car ils sont en première ligne pour combattre l’obscurantisme et le fanatisme religieux.
Les réseaux sociaux sont trop souvent utilisés habilement par le terrorisme pour manipuler les jeunes en situation de faiblesse et de révolte tout azimut. Face à la puissance de ces réseaux sociaux véhiculant des appels à la haine et au meurtre, notre société devra trouver des réponses éducatives et pénales, à la hauteur de ce fléau, qui n’a rien à voir avec la liberté d’expression.
En tant que GAIC, après 27 ans de rencontre, nous en appelons au sens civique de tous les Français. Nous pouvons en témoigner, il est possible de travailler ensemble dans un climat d’amitié pour promouvoir la liberté, l’égalité et la fraternité dans le cadre de la laïcité.
Le lieu choisi pour perpétrer cet acte n’est pas un hasard, c’est notre unité et notre fraternité qui sont visées. Plus que jamais, la fraternité et la paix doivent l’emporter face à la folie meurtrière, à la surenchère ou au chaos.
Le GAIC tient à réaffirmer son engagement en faveur de la rencontre et du dialogue.
Nous sommes un groupe amical constitué d’imams et de prêtres de Marseille, auxquels s’ajoutent une croyante musulmane et une religieuse catholique. De manière régulière, depuis 10 ans, nous nous rencontrons pour échanger, partager et approfondir ensemble par l’écoute, la réflexion, le questionnement des éléments de notre foi, de notre culture, des faits de société.
Nous sommes disponibles pour toute initiative qui nous conduirait à témoigner ensemble, avec des croyants des autres traditions religieuses et des agnostiques, de ce qui nous pousse à servir la devise républicaine dans ses trois dimensions « liberté, égalité, fraternité ».
Nous ne voulons pas céder à la peur ou à la division.
Nous avons décidé de vivre ensemble, unis dans la fraternité et unis dans le défi et le bienfait d’accueillir nos diversités.
Les communautés religieuses de Bussy Saint Georges (77) ont appris avec effroi l’attentat dont a été victime un professeur d’histoire du collège de Conflans St Honorine et ont organisé un rassemblement dimanche 18 octobre pour exprimer leur soutien à la famille de Samuel Paty, à ses proches et aux personnels de l’Education nationale.
L’association de l’Esplanade des Religions et des Cultures regroupe les communautés bouddhistes, catholique, hindouiste, juive, musulmane et protestantes. Depuis 2012, nous avons appris à vivre ensemble en bon voisinage, à devenir curieux de connaître la religion des autres, à nous inviter pour nos fêtes, à proposer des initiatives communes pour la planète, pour la paix, en particulier aux moments des attentats.
En 2019, nous avons accueillis près de 2000 personnes venues visiter nos lieux de culte, dont beaucoup de jeunes, pour leur faire découvrir la richesse de la connaissance des religions et de leur apport dans la vie sociale. La municipalité et les pouvoirs publics reconnaissent cet apport précieux au vivre ensemble.