L’Arc-en-ciel

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null   Mais concluons nos récits du Déluge. Prenons le récit de la Genèse : Dieu dit à Noé : « Sors de l’arche, toi, ta femme, tes fils et les femmes de tes fils avec toi. Toutes les bêtes qui sont avec toi, de tout ce qui est chair en fait d’oiseaux, bestiaux, toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre, fais-les sortir avec toi et qu’ils grouillent sur la terre, qu’ils soient féconds et prolifiques sur la terre (…) Noé éleva un autel pour le SEIGNEUR. Il prit de tout bétail pur, de tout oiseau pur et il offrit des holocaustes sur l’autel. Le SEIGNEUR respira le parfum apaisant et se dit en Lui-même : « Je ne maudirai plus jamais le sol à cause de l’homme. Certes, le coeur de l’homme est porté au mal dès sa jeunesse, mais plus jamais Je ne frapperai tous les vivants comme Je l’ai fait » (…) Dieu bénit Noé et ses fils (…) Dieu dit à Noé accompagné de ses fils : « Je vais établir Mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous : oiseaux, bestiaux, toutes les bêtes sauvages qui sont avec vous, bref tout ce qui est sorti de l’arche avec vous, même les bêtes sauvages (…) J’ai mis mon arc dans la nuée pour qu’il devienne un signe d’alliance entre Moi et la terre. Quand Je ferai apparaître des nuages sur la terre et qu’on verra l’arc dans la nuée, Je me souviendrai de Mon alliance entre Moi, vous et tout être vivant quel qu’il soit ; les eaux ne deviendront plus jamais un Déluge qui détruirait toute chair » (Gn VIII, 15-17.20-21 et IX, 1.8-10.13-15)

   Ce texte appelle plusieurs remarques. La première, c’est cette trace laissée semble-t-il encore une fois par un récit antérieur : Le SEIGNEUR respira le parfum apaisant [des holocaustes de Noé] et se dit en Lui-même : « Je ne maudirai plus jamais le sol à cause de l’homme » (Gn VIII, 21). Qu’on en juge par la lecture du passage correspondant de l’Epopée de Gilgamesh : “J’offris un sacrifice, je fis une offrande répandue sur la terrasse de la montagne (…) Les dieux sentirent la bonne odeur ; les dieux, comme des mouches, se rassemblèrent au-dessus du sacrificateur”
   Quelle était la morale du récit mésopotamien ? Les dieux découvraient le rôle de l’homme dans l’ordre cosmique dont eux-mêmes dépendent : offrir des sacrifices. L’équilibre était trouvé, la mission de l’humanité fixée. Le récit biblique a conservé l’épisode du sacrifice, mais la pédagogie divine, par la voix des prophètes, conduira le peuple juif vers une compréhension nouvelle de cette pratique : Ainsi parle le SEIGNEUR le tout-puissant, le Dieu d’Israël : « Ajoutez vos holocaustes à vos sacrifices et mangez-en la viande ! Quand J’ai fait sortir vos pères du pays d’Egypte, Je ne leur ai rien dit, rien demandé en fait d’holocauste et de sacrifice ; Je ne leur ai demandé que ceci : Ecoutez Ma voix et Je deviendrai Dieu pour vous, et vous, vous deviendrez un peuple pour Moi, suivez bien la route que Je vous trace et vous serez heureux » (Jr VII, 21-23) ; « Dans vos offrandes, rien qui Me plaise ; votre sacrifice de bêtes grasses, J’en détourne les yeux (…) Mais que le droit jaillisse comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable ! M’avez-vous présenté sacrifices et offrande au désert, pendant quarante ans, maison d’Israël ? » (Am V, 22.24-25) ; « Car c’est l’amour qui Me plaît, non le sacrifice ; et la connaissance de Dieu, Je la préfère aux holocaustes » (Os VI, 6)
   Le récit biblique du Déluge se termine sur une idée inconnue des récits mésopotamiens : celle d’une alliance entre Dieu et les êtres animés dont le signe sera l’arc-en-ciel, première apparition d’un thème que la Bible développera amplement…

   Ouvrons maintenant le Coran : Il fut dit : « Ô Noé, débarque avec Notre sécurité et Nos bénédictions sur toi et sur des communautés [issues] de ceux qui sont avec toi. Et il y aura des communautés auxquelles Nous accorderons une jouissance temporaire ; puis un châtiment douloureux venant de Nous les toucheras » (Coran XI, 48)
   Nous retrouvons la bénédiction donnée par Dieu à Noé, mais pas ce thème de l’alliance que nous évoquions. Là où le récit biblique évoque le Déluge pour affirmer qu’un tel fléau ne se reproduira pas, le Coran évoque les communautés qui à l’avenir connaîtront, elles aussi, « un châtiment douloureux ». La Sourate XI, d’où était extraite cette conclusion, poursuivra d’ailleurs avec l’évocation de Hoûd, prophète envoyé aux Aad, communauté dont la fin est ainsi décrite dans une autre sourate : « Nous avons envoyé contre eux un vent violent et glacial, en un jour néfaste et interminable ; il arrachait les gens comme des souches de palmiers déracinés » (Coran LIV, 19)

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