Des Prophètes Infaillibles ?

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null    Nous avons vu dans un précédent article comment Abraham, Muhammad et par extension les autres grandes figures ayant statut de « prophètes » sont considérés comme des modèles par les musulmans. Cette conception de la « mission prophétique » implique que les hommes choisis par Dieu pour l’endosser se voient dotés d’une qualité particulière…

Voici comment l’exprime cet auteur sunnite : « Les Messagers de Dieu ont été les modèles de la perfection, quoique humainement relative, à son degré le plus élevé. De ce point de vue, unanimement admis, dans l’Ethique canonique, les Apôtres acquièrent un privilège ou une prérogative, qui les imprègne d’une certaine immunité ». Cette affirmation reflète un point de vue majoritairement partagé en islam. En quoi cette vision des choses prend-elle sa source dans le Coran ?

   Prenons Moïse : le Coran, comme la Bible, reconnaît qu’il fut le meutrier d’un homme (Coran XX, 40 ; XXVIII, 15 ; Ex II, 12), avant l’épisode du buisson ardent (Coran XX, 9-13 ; XXVII, 7-9 ; XXVIII, 29-30 ; Ex III, 2-6). Observons maintenant son comportement lors de l’épisode du Veau d’Or, selon la Bible : Or, comme il s’approchait du camp, il vit le veau et des danses ; Moïse s’enflamma de colère : de ses mains, il jeta les tables et les brisa au bas de la montagne (Ex XXXII, 19). Voici maintenant le même épisode, vu par le Coran : Et lorsque Moïse retourna à son peuple, fâché, attristé, il dit : Vous avez très mal agi pendant mon absence ! Avez-vous voulu hâter le commandement de votre Seigneur ? Il jeta les tablettes (…) Et quand la colère de Moïse se fut calmée, il prit les tablettes. Il y avait dans leur texte guide et miséricorde à l’intention de ceux qui craignent leur Seigneur (Coran VII, 150.154). Moïse, devenu guide de son peuple, ne peut pas, pour le Coran, briser les deux tables de pierre écrites du doigt de Dieu (Coran VII, 145 ; Ex XXXI, 18 ; Dt IX, 10). Il reste humain -il se met en colère- mais est désormais à l’abri du sacrilège.

   Mais prenons d’autres exemples. Dans la Bible, il est dit de Noé qu’il fut un « homme juste », « intègre au milieu des générations de son temps », qui « suivit les voies de Dieu » (Gn IX, 19-25). Et pourtant… On le voit s’ennivrer et maudire l’un de ses fils (Gn IX, 19-25) ! « Loth le juste » (2 P II, 7), seul juste trouvé dans Sodome, commettra un inceste avec ses filles (Gn XIX, 36), et David, à qui Dieu a fait « un nom aussi grand que le nom des grands de la terre » (2 Sm VII, 9) couchera avec la femme de l’un de ses officiers avant d’envoyer volontairement celui-ci à la mort (2 Sm XI, 1-27) ! Quant à son fils Salomon, à qui Dieu avait pourtant donné sagesse et perspicacité (1 R III, 12), il deviendra polythéiste sur ses vieux jours (1 R XI, 1-10)…

   De tels actes sont inimaginables dans le Coran. En effet, tous ces personnages sont décris comme étant « ceux que Dieu a comblés de faveurs, parmi les prophètes, parmi les descendants d’Adam » (Coran XIX, 58). Et, de fait, voici ce qui est dit dans le Coran du récit biblique rapportant la fin du règne de Salomon : Et ils suivirent ce que les diables racontent contre le règne de Salomon. Alors que Salomon n’a jamais été mécréant mais bien les diables (Coran II, 102)…

   Alors, pourquoi une telle insistance dans la Bible sur les péchés de grandes figures qui auraient pu être données comme modèles ? Entendons la parole que nous adresse Jérémie : Ainsi parle le SEIGNEUR : Que le sage ne se vante pas de sa sagesse ! Que l’homme fort ne se vante pas de sa force ! Que le riche ne se vante pas de sa richesse ! Si quelqu’un veut se vanter, qu’il se vante de ceci : d’avoir l’intelligence pour Me connaître, Moi, le SEIGNEUR qui mets en oeuvre la bonté fidèle, le droit et la justice sur la terre. Oui, c’est cela qui Me plaît -oracle du SEIGNEUR (Jr IX, 23-24). Nul homme n’a de quoi se vanter. Prophète ou non, nous sommes tous égaux dans notre indignité. Ecoutons le Psalmiste : Des cieux, le SEIGNEUR s’est penché vers les hommes, pour voir s’il en est un d’intelligent qui cherche Dieu. Tous dévoyés, ils sont unis dans le vice ; aucun n’agit bien, pas même un seul (Ps XIV, 2-3). Voilà l’esprit qui dicte l’étalage biblique de ces travers humains ; voilà pourquoi les plus grandes figures de la Bible commettent les pires crimes : aucun homme n’est au-dessus d’un autre en matière de péché.

   Dans la Bible chrétienne, un seul est pur de tout péché, le Christ, qui, obéissant au projet de Dieu, est venu prendre sur lui le péché des hommes : Celui qui n’avait pas connu le péché, Il l’a, pour nous, identifié au péché, afin que, par lui, nous devenions justice de Dieu (2 Cor V, 21)

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