Les Prophètes

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    null   Le Coran donne parfois à lire des listes telles que celle-ci : « Nous t’avons fait une révélation comme Nous fîmes à Noé et aux prophètes après lui. Et Nous avons fait révélation à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux Tribus, à Jésus, à Job, à Jonas, à Aaron et à Salomon, et Nous avons donné les Psaumes à David » (Coran IV, 163)… Un tel florilège de figures bibliques ne doit cependant pas nous masquer les divergences existant entre les conceptions bibliques et coraniques relatives à la prophétie.

   Pour tâcher de comprendre la conception islamique, tournons-nous vers le Coran : …Adam reçut de son Seigneur des paroles (…) Nous dîmes : « Descendez d’ici, vous tous ! Toutes les fois que Je vous enverrai un guide, ceux qui suivront n’auront rien à craindre et ne seront point affligés » (Coran II, 37-38) ; Ensuite, Nous envoyâmes successivement Nos messagers. Chaque fois qu’un messager se présentait à sa communauté, ils le traitaient de menteur. Et Nous les fîmes succéder les unes aux autres, et Nous en fîmes des thèmes de récits légendaires. Que disparaissent à jamais les gens qui ne croient pas ! Ensuite, Nous envoyâmes Moïse et son frère Aaron avec Nos prodiges et une preuve évidente (Coran XXIII, 44-45) ; Certes, Nous avons donné le Livre à Moïse ; Nous avons envoyé après lui des prophètes successifs. Et Nous avons donné des preuves à Jésus fils de Marie, et Nous l’avons renforcé du Saint-Esprit. Est-ce qu’à chaque fois, qu’un Messager vous apportait des vérités contraires à vos souhaits vous vous enfliez d’orgueil ? Vous traitiez les uns d’imposteurs et vous tuiez les autres (Coran II, 87) ; Et c’est ainsi que Nous t’avons révélé un Coran arabe, afin tu avertisses la Mère des cités et ses alentours (Coran XLII, 7) ; Nous t’avons envoyé avec la Vérité en tant qu’annonciateur et avertisseur, il n’est pas une nation qui n’ait déjà eu un avertisseur (Coran XXXV, 24)

   L’idée dévelopée ici est très simple : dans chaque communauté humaine, Dieu envoie un prophète chargé de guider son peuple ; de la même façon que les communautés se succèdent, ces envoyés de Dieu forment une suite de messagers, le dernier étant Muhammad, « avertisseur » en Arabie. Cette conception avait déjà été exposée deux siècles auparavant par le fondateur du manichéisme : “La Sagesse et les bonnes oeuvres ont été apportées avec une suite parfaite d’une époque à une autre par les Prophètes de Dieu. Elles vinrent en un temps par le Prophète nommé Bouddha dans la région de l’Inde, en un autre par Zoroastre dans la contrée de la Perse, en un autre par Jésus dans l’Occident. Après quoi la présente révélation est arrivée et la présente prophétie s’est réalisée par moi, Mâni, le messager du Vrai Dieu dans la Babylonie” (Phrases d’ouverture du Shâbuhragân citées al-Birûni)

   La vision biblique est bien différente. Alors que le Coran évoque des « avertisseurs » appartenant à d’autres peuples, tels Sâlih, Hoûd, et Chou`ayb, la Bible lie la prophétie au seul peuple d’Israël ; de ce peuple élu surgira de grandes figures -les prophètes en tant que tels- sans pour autant leur réserver le don de prophétie, distribué en fonction du seul bon vouloir de Dieu : L’Esprit souffle où Il veut, et tu entends Sa voix, mais tu ne sais ni d’où Il vient ni où Il va (Jn III, 8). Saül, premier roi d’Israël, en fit l’expérience à ses dépens : Quand ils arrivèrent à Guivéa, une bande de prophètes venait à sa rencontre. Alors l’Esprit de Dieu fondit sur lui, et il entra en transe avec eux. Toutes ses anciennes connaissances le virent : il faisait le prophète, avec des prophètes ! On se dit dans le peuple : « Qu’est-il donc arrivé au fils de Qish ? Saül est-il aussi parmi les prophètes ? » (1 Sa X, 10-11)

   Ce cheminement prophétique du peuple juif a un aboutissement : Faire cesser la perversité et mettre un terme au péché, (…) absoudre la faute et amener la justice éternelle, (…) sceller vision et prophétie et (…) oindre un Saint des Saints (Dn IX, 24). L’Oint de Dieu -en hébreu : Messie, en grec : Christ– est ainsi le « Sceau des Prophètes », pour reprendre l’expression de Tertullien (Adversus Iudaeos, VIII). Une expression qui aura une longue postérité, puisque nous la retrouvons dans le Coran pour désigner « Muhammad (…) le messager de Dieu et le Sceau des Prophètes » (Coran XXXIII, 40), Jésus restant pour les musulmans « le Messie (…) fils de Marie » (Coran III, 45) 
   Les chrétiens, en cohérence avec la prophétie de Daniel, voient en Jésus l’Oint qui scelle l’histoire prophétique d’Israël : Tous les prophètes en effet, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean (Mt XI, 13) ; La Loi et les Prophètes vont jusqu’à Jean ; depuis lors, la bonne nouvelle du Royaume de Dieu est annoncée, et tout homme déploie sa force pour y entrer (Lc XVI, 16). Ce Jean, dit « le Baptiste », est ainsi le dernier de ces hommes dont parlait Pierre, en s’adressant aux premiers chrétiens : Des prophètes, qui ont prophétisé au sujet de la grâce qui vous était destinée : ils recherchaient à quel temps et à quelles circonstances se rapportaient les indications données par l’Esprit du Christ qui était présent en eux, quand il attestait par avance les souffrances réservées au Christ et la gloire qui les suivrait. Il leur fut révélé que ce n’était pas pour eux-mêmes, mais pour vous qu’ils transmettaient ce message, que maintenant les prédicateurs de l’Evangile vous ont communiqué sous l’action de l’Esprit Saint envoyé du ciel (1 P I, 10-12)

   Ceci ne signifie pas pour autant que l’Esprit de prophétie ne s’exprime plus ; pour preuve, ce commentaire de Pierre le jour de la Pentecôte : Hommes de Judée, et vous tous qui résidez à Jérusalem, comprenez bien ce qui se passe et prêtez l’oreille à mes paroles. Non, ces gens n’ont pas bu comme vous le supposez : nous ne sommes en effet qu’à neuf heures du matin ; mais ici se réalise cette parole du prophète Joël : « Alors, dans les derniers jours, dit Dieu, Je répandrai de Mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles seront prophètes, vos jeunes gens auront des visions, vos vieillards auront des songes ; oui, sur Mes serviteurs et sur Mes servantes en ces jours-là Je répandrai de Mon Esprit et ils seront prophètes » (Ac II, 14-18). Simplement, l’aboutissement de toute prophétie est maintenant dévoilé : La fin de la loi, c’est Christ, pour que soit donnée la justice à tout homme qui croit (Rm X, 4)
   Une vision des choses bien différente de celle de l’islam…

4 réflexions au sujet de « Les Prophètes »

    safae a dit:
    30 novembre -0001 à 0 h 00 min

    Bonjour, permettez moi de poster mon commentaire. J’aimerais éclaircir une nuanceEn Islam les prophètes se divisent en deux: Nabi et Rassoul Nabi est un prophète seulement inspiré; mais pas obligé par Dieu de déclarer un certain message à sa communauté, tandit que Rassoul ( terme qui signifie en arabe Envoyé) est justement envoyé par Dieu pour avertir sa communauté et leur transmettre un message.  Donc tout texte sacré est forcément révélé par un prophète mais pas obligatoirement le contaire, c’est à dire il n’est pas nécessaire qu’un prophète fournisse systématiquement un texte de Dieu. Ainsi en islam, il y a en total 313 prophètes (Nabis et Rassoul) dont le coran en cite 25 qui furent (Roussoul) ou envoyés pour leurs peuples, parmi ces 25: 5 sont les plus grands ayant fourni pour leurs communauté des révélation sacrés (livres ou textes) ils sont appelés dans le  Coran (oulou al azm:): Noé, Abraham, Moise, Jésus (Ayssa), et Mohamed. Ce sont seulement ces 5 grands prophètes que Dieu a envoyé à toute l’humanité. Salutaions Safae  

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    Ren' a dit:
    30 novembre -0001 à 0 h 00 min

    En relisant ce vieil article, je me suis aperçu que j’aurais pu en effet ajouter un mot sur l’usage en Islam des termes de prophète (nabî) et d’apôtre (rasûl). Merci d’avoir apporté cette précision à ma place !

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    Olivier C a dit:
    30 novembre -0001 à 0 h 00 min

    Je trouve que l’introduction du livre Jésus de Nazareth de Benoît XVI fait particulièrement bien ressortir ce qu’est un prophète dans le monde judéo-chrétien. Benoît XVI décrit le prophète comme « celui qui montre le visage de Dieu et partant la voie que nous devons suivre » (p. 24), en opposition aux devins et faux prophètes des alentours qui prédisaient l’avenir.

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    Ren' a dit:
    30 novembre -0001 à 0 h 00 min

    Je n’ai pas encore eu l’occasion d’ouvrir ce livre ; merci de me rappeler qu’il va falloir m’atteler à la tâche ^^

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